01/09/2025
Kenza, grimpeuse marseillaise et ouvreuse internationale, faisait partie des 5 ouvreurs.ses sélectionnée dans l’équipe d’ouverture des championnats de France de Bloc que nous avons accueillis cette année au club.
Son statut de l’une des rares femmes dans ce milieu présentait un intérêt supplémentaire de la recevoir et lui poser nos questions !
Rencontre avec l’ouvreuse marseillaise, pour qui chaque prise est une invitation à observer et à comprendre les dynamiques du corps, où la précision devient l’expression d’un regard affûté.
Elle se confie sur son parcours et les plus grands défis actuels en compétition internationale.

Kenza avec Mathias (entraineur au club et ouvreur également) et un autre collègue sur une compétition régionale.
Marion Bernard : Est-ce que l’ouverture est ton activité à temps plein ?
Kenza Slamti : Oui, actuellement, c’est ce qui occupe la majeure partie de mon temps : ouverture en difficulté et en bloc, en France et à l’international, en fonction des événements.
Comment as-tu découvert l’escalade ?
Je grimpe depuis mes quatre ans, ce qui m’a amenée à la compétition de haut niveau. Parallèlement, à partir de mes 12 ans, j’ai commencé à imaginer et construire des voies. Cela fait maintenant huit ans que j’exerce en tant que professionnelle. À côté de mon activité d’ouverture, j’adore grimper en extérieur, avec des pratiques très variées : Big Wall, grandes voies, bloc… tout y passe.
En quoi l’ouverture de voies reste-t-elle une grande passion pour toi ?
Depuis mes débuts, j’ai toujours aimé créer des blocs, pousser des concepts jusqu’à leur aboutissement. Ce qui me guide, c’est la recherche de précision, l’équilibre entre justesse et difficulté.
Quelles sont les étapes lorsque l’équipe d’ouverture arrive sur une compétition ?
D’abord, il s’agit d’analyser l’espace : la salle, les murs. Ensuite, un plan de travail est établi avec la personne en charge de la coordination. Puis, nous concevons les blocs et voies, en travaillant des phases de qualifications jusqu’à la finale, selon le format de la compétition. Enfin, vient l’ajustement final, avec un montage et remontage des différents passages.
Avez-vous connaissance des prises avant d’arriver sur place ? et avez-vous un droit de regard sur les prises commandées pour les finales ?
Cela dépend des compétitions et des responsables d’ouverture.
Mais, nous sommes consultés lors des commandes. L’orientation stylistique est souvent discutée pour répondre aux attentes de l’événement.
Travaillez-vous avec des plans avant l’événement ?
Nous échangeons des idées en amont pour enrichir la variété des voies, mais la création se fait sur place. L’objectif est d’offrir une diversité de styles (technique, physique, coordination, libre) permettant à chaque grimpeur de s’exprimer dans son registre de prédilection.

Pourquoi avoir testé les demi-finales en premier sur le mur d’Anse ?
Cela permettait d’appréhender un mur inconnu en travaillant sur des voies très exigeantes. L’ouverture des finales en devient plus intuitive, plus inspirée, tout en tenant compte de la structure.
Qu’est-ce qui fait la force d’une équipe d’ouverture ?
La communication, l’écoute et le dialogue. Un collectif performant repose sur la diversité des profils et une collaboration efficace.
Comment se fait la sélection des ouvreurs et ouvreuses pour les compétitions ?
Les candidatures sont soumises à la FFME. La composition des équipes est un processus collaboratif entre la fédération et l’organisation de l’événement.
Comment perçois-tu l’évolution du bloc ces dernières années ?
Le style a fortement évolué, avec une mise en avant de la coordination dynamique. Mais nous tendons vers un retour à un équilibre plus complet, favorisant la polyvalence.
Quand estimez-vous qu’un bloc est « calé » ?
C’est une question de ressenti collectif. On ajuste jusqu’à la dernière minute pour atteindre un équilibre idéal, même entre les différentes phases de la compétition.

Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Les murs, les prises, les volumes, les vidéos, l’art, la falaise, et d’autres disciplines sportives.
Avez-vous effectué des réglages de dernière minute pour les championnats de France à Anse ?
Nous avons débriefé avec les collègues ouvreurs. Certains réglages de dernière minute ont bien fonctionné, et d’autres moins bien. Mais si l’on relance l’aide à tout moment, cela peut être bon. La réussite d’une voie, c’est 50 % les ouvreurs, 50 % les grimpeurs et ce qu’ils proposent le jour J. Cela peut être complètement différent un autre jour ou en fonction des échanges entre les athlètes.
Un exemple : dans la dalle des filles en finale, il n’y a pas eu de changement de dernière minute. Elles ont pensé que la réussite de cette voie passait par un 180°. Elles ont communiqué là-dessus, ce qui n’était pas notre vision du bloc.

As-tu une anecdote à nous raconter sur un fait marquant de cette compétition ?
Lors du tour des demi-finales hommes, Max Berthone a véritablement sorti son âme de compétiteur, et c’était fou. Nous l’avons vu exprimer tout son potentiel, ce qui l’a amené en finale. En finale, cela s’est joué à une question de réussite sur le bloc noir, et ce à quelques secondes près. C’était vraiment cool à voir.
Quelles sont les qualités essentielles pour être un ou une bonne ouvreuse ?
Elles sont très variées, mais si je devais en résumer, j’en donnerais quatre. Savoir se remettre en question, faire preuve de créativité, être à l’écoute et s’adapter en permanence. L’empathie envers les grimpeurs est aussi primordiale pour proposer des voies qui tiennent compte des morphologies et styles de chacun.
Notre objectif à nous, c’est d’avoir un classement sportif. Oui, il doit être esthétique et visuel pour le public, comme sur la voie rouge, c’est top. Mais le show reste un bonus. Notre objectif principal, c’est d’arriver à avoir un classement et à départager les athlètes. Et avec le niveau actuel très dense, cela nous oblige à opérer avec une précision de plus en plus grande.
Un grand Merci Kenza, à très bientôt sur le circuit !
Interview réalisée en mars 2025 avant les dernières normes IFSC.